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La notion de la primauté ecclésiastique d’un point de vue ecclésio-canonique pendant le moyen âge

Archim . Grigorios D. Papathomas
L’Année canonique , t. 53 (2011), p. 309-317.

 

Passé commun et avenir différent des deux grandes traditions ecclésiales

Alors qu’au départ, les traditions ecclésiales chrétiennes d’Orient et d’Occident partageaient les principes canoniques et le vécu ecclésial communs de l’Égliserépandue à travers tout l’univers (cf. can. 57 du Concile de Carthage (419); can. 56 du Quinisexte Concile œcuménique in Trullo (691), elles laissent par la suite apparaître des divergences au fur et à mesure qu’elles se consolident et que se cristallisent des tendances internes, tantôt parallèles, tantôt différentes, tantôt contraires. Ce fait est dû au cadre culturel différent, dans lequel elles ont évolué, ainsi qu’à l’influence que le choix des divers moyens de lutte contre les hérésies et les déviations dogmatiques et ecclésiologiques a exercé sur l’évolution de la pensée et de l’expérience théologiques. La sauvegarde de l’unité de l’Église, de l’intégrité de sa vérité et du caractère réel du salut a assez souvent conduit ces deux traditions ecclésiales, dans le passé, à mettre en examen certaines questions théologiques et à développer un discours théologique, parfois différent, tout en restant proche des enjeux locaux de l’époque. Entre autres, le rôle essentiel du Saint Esprit dans la formation du corps mystérique de l’Église et de son unité en Orient va de pair avec l’importance démesurée attachée aux structures administratives destinées, en Occident, à exprimer cette unité, ainsi qu’à leur rôle régulateur quant au mystère du salut. La tradition herméneutique postérieure, pleinement consciente de ce fait, en embellissant le passé, a associé – et souvent identifié – la vérité du dogme ecclésial aux structures canoniques, aux institutions et aux pratiques qui l’interprétaient et dans le cadre desquels il avait été formulé. Cette interprétation statique, jointe à l’enfermement dans lequel se trouvait une grande part de la pensée théologique ancienne et moderne, a pesé sur le discours théologique (exposé toujours à la tentation du culturalisme de l’époque en voie de croissance) en Orient comme en Occident. C’est dans ce cadre que la sélectivité fit son apparition.

L’incompréhension entre les deux traditions, l’absence de participation d’une tradition à la dynamique et à la perspective historique de l’autre, ainsi que l’ignorance des présupposés herméneutiques du contenu de la foi conduisirent, au xi e siècle, à les éloigner l’une de l’autre, chacune de son côté revendiquant l’exclusivité ecclésiale. Chacune détenait l’unique privilège de posséder la vérité et la capacité charismatique de l’interpréter pour l’Église catholique « répandue à travers tout l’univers », fondée sur une compréhension sélective de l’histoire chrétienne et du passé de l’Église. C’est ainsi que les deux traditions ecclésiales recherchèrent dans des époques antérieures, des symbolismes, des institutions, des termes de formulation et des dispositifs de garantie.

Dans cette quête, la liberté de choix au sein d’une tradition unique, mais non homogène quant à son mode d’expression, ainsi que les conséquences que ces choix ont eues sur les traditions locales, conduisirent à des divergences marquées et des revendications d’exclusivité, qu’elles se rapportent au domaine institutionnel et administratif (primauté du pouvoir, chef de l’Église historique), aux rites et coutumes (pour la Sainte Eucharistie, pain avec ou sans levain (azyme), clergé marié ou célibataire), ou encore à l’interprétation du dogme trinitaire (Filioque, distinction entre essence et énergie divines). Ainsi, le passé historique et son interprétation joueront un rôle essentiel dans la formation de l’avenir. Les deux traditions s’affronteront, chacune pour prouver le caractère fondateur de ses convictions en remontant aux origines, à la tradition biblique et apostolique. Dans ce processus, théologiens et écrivains occidentaux, quasiment ignorants jusqu’au xii e siècle de la tradition patristique orientale, se fondent exclusivement sur les sources occidentales et, quand cela est possible, demandent des garanties au pouvoir pontifical.

Mais, avant tout, il faut signaler ici un fait attesté durant cette période historique, qui nous échappe très souvent dans notre recherche et surtout dans notre dialogue. En raison de l’événement ecclésiastique de 1054, lorsque la rupture de la communion est survenue et concrétisée, la divergence manifestée entre l’Orient et l’Occident n’était vraiment pas posée au niveau de la foi. La divergence qui s’est constituée à cause de la question du Filioque, a surgi plus tard et s’est posée en tant que telle au niveau de la foi dans le cadre du concile de Ferrare-Florence (1438-39) notamment. Au cours des xi e- xiii e siècles, la divergence reposait sur la question des structures ecclésio-canoniques. Cela a commencé à être visible avec l’institution des nouvelles structures ecclésiastiques parallèles, au moment même des croisades à Jérusalem (1099), à Antioche (1100), à Chypre (1191) et à Constantinople (1204). C’est également l’époque où apparaît une nouvelle version de la primauté du patriarche et pape de Rome, assez différente par rapport à l’expérience ecclésiologique du premier millénaire. Toutes les nouvelles structures ecclésio-canoniques ont été subordonnées au pape de Rome : les patriarches, égaux synodalement entre eux jusqu’alors, ont été juridictionnellement soumis au pouvoir papal. On peut considérer que le patriarche et pape de Rome est devenu de fait un « Primus inter inferiores » [primauté mono-juridictionnelle universaliste], alors que, dans l’ecclésiologie et la praxis de l’Église du i er millénaire, le premier patriarche (le président) de la communion ecclésiale de cinq patriarcats (pentarchie conciliaire) issus du iv e concile œcuménique de Chalcédoine (451), était un « Primus inter pares » (primauté synodale communionnelle), ou plutôt « Primus inter primi » (primauté au niveau de la pentarchie synodale). Jusqu’alors, il était protos parmi les protoi des cinq patriarcats et non pas un protos suprême sur la totalité de l’Église à travers tout l’univers. Une structure de type pyramidal venait de se substituer à une structure de type « constellation » (Cf. notre étude « Au temps de la post- ecclésialité. La naissance de la modernité post-ecclésiologique », dans Kanon, vol. 19 (2006), p. 4  sv., et Istina, t. 51, n° 1 (2006), p. 65  sv.). Cette situation, où les deux côtés possédaient séparément des structures canoniques propres (l’une sur le territoire de l’autre, pratique qui a été développée à l’époque notamment de la part de l’Église catholique romaine), et manifestées sur le même territoire (problème ecclésio-canonique de co- territorialité), a finalement contribué à un refroidissement et à un éloignement mutuel. C’est justement cette situation qui donna naissance à la divergence sur la question de la primauté.

 

La primauté du pouvoir

À cette époque, un des problèmes ecclésio-canoniques majeurs était l’impossibilité de convoquer le concile œcuménique qui, au cours des siècles précédents, formait – même sous forme d’événement extraordinaire – le cadre dans lequel les pères conciliaires se mettaient d’accord en commun sur l’expression de la vérité, et la conscience ecclésiale commune, par la suite, la confirmait par sa réception. Sur la question de la convocation d’un concile œcuménique, les divergences étaient de taille entre l’Orient et l’Occident et auguraient de l’émergence d’un nouveau champ de confrontation relatif à la primauté ( protocathedria) de Rome dans le système administratif suprême de l’Église. En raison des conditions politiques et culturelles régnant en Europe de l’Ouest depuis le vii e siècle, l’évêque local de Rome prit progressivement la position de chef spirituel du monde occidental (romanité latine) et nourrit des ambitions politiques que lui permettaient, d’une part, la ligne de démarcation souvent peu distincte entre les compétences du pouvoir politique et ecclésiastique et, d’autre part, les idées dominantes dans ce domaine sur la manière de consacrer et promouvoir le pouvoir politique des dirigeants. En effet, à la chute de l’Empire en Occident (476), l’Église d’Occident faisait lien de romanité entre les deux côtés du bassin méditerranéen. Elle ne se divisa qu’après un long processus de l’éloignement des dogmes et des disciplines (entre les Églises locales). Elle est devenue par la suite une structure de plus en plus centralisatrice, en concurrence avec les seigneurs séculiers pour le gouvernement de l’Europe occidentale. Elle préserva son unité et son uniformité jusqu’à la Réforme (1517) commencée par Martin Luther, un chanoine régulier. Parallèlement, en cherchant appui et protection auprès des seigneurs occidentaux pour faire contrepoids à la politique d’hégémonie et d’intervention arbitraire des empereurs byzantins, l’évêque de Rome se laissa entraîner, en particulier, par les évêques francs, avides de pouvoir et de gloire, au point de tomber dans des déviations herméneutiques arbitraires, inconnues et souvent contraires à la lettre et à l’esprit des éclaircissements dogmatiques et des stipulations des conciles œcuméniques du i er millénaire. Cette tactique de Rome, adoptée sous les fortes pressions de puissances politiquement opposées à l’Empire romain d’Orient et en vue de démontrer la supériorité spirituelle et culturelle de l’Occident sur l’Orient, rendit la situation particulièrement complexe et dangereuse. Ainsi, Rome, s’appuyant sur une tradition théologique exclusivement occidentale d’à peine quatre siècles, forgée par la philosophie scolastique dont Thomas d’Aquin était le plus grand représentant, a exigé avec une arrogance particulière en raison de sa foi en la primauté culturaliste pontificale, qui évoluera plus tard vers l’infaillibilité, que les « Grecs schismatiques et hérétiques » se corrigent et se soumettent à ce que professaient « la mère des Églises » et le représentant tangible de l’authenticité du dogme, le pape.

Il est révélateur que, à partir du xi e siècle, les échanges écrits entre les deux parties à propos de l’autorité administrative suprême au sein de l’Église, aillent en sens contraire. L’Orient invoque le système conciliaire (synodal) et, plus particulièrement, la pratique des conciles œcuméniques, en insistant sur le rôle spécifique et exceptionnel que l’empereur byzantin joue dans sa convocation et l’application de ses décisions, tandis que l’Occident invoque le pouvoir pontifical, seule autorité incontestable qui, à la fois, convoque et juge un tel processus conciliaire (arguments des légats pontificaux dans les négociations des années 1234, 1273-1278, 1334). Et les deux thèses s’appuient sur la tradition ecclésio-canonique, toutes deux péchant du point de vue ecclésiologique et révélant, du même coup, leur incapacité à s’adapter aux nouvelles données qui se sont mises en place à partir du xi e siècle dans la géographie politique du monde chrétien.

Cette rupture définitive et irrévocable qui se traduisait par le rejet de tous les critères assurant l’unité de l’Église, tant dans sa forme structurelle historique que dans sa foi homodoxe et orthodoxe, est clairement exprimée dans les dialogues bilatéraux qui se sont tenus entre Latins (Occidentaux) et Grecs (Orientaux), du xiii e au xv e siècle. L’occupation de Constantinople par les croisés en 1204 et ses conséquences à long terme annulèrent tout le travail théologique préparatoire qui s’était accompli sous les Comnènes, lorsque des moines latins avaient séjourné à Constantinople, afin de trouver des solutions aux problèmes qui s’étaient élevés entre les deux Églises. Il est remarquable qu’une grande partie des rencontres se soient passées en discussions académiques sans aucune caution institutionnelle ni perspective ecclésiastique déclarée et aient porté sur les trois questions principales divisant les deux Églises : la primauté papale, le Filioque et les azymes. Il arrivait même souvent que leur issue heureuse fût annulée par les positions dures et inflexibles des représentants de la politique ecclésiastique de Rome et de Constantinople. Les tentatives de conciliation entre l’Église d’Occident et l’Église d’Orient, entreprises au cours des xi e et xii e siècles, n’eurent pas de résultats précis ni, surtout, positifs. Toutes les remarques et admonitions, de part et d’autre, soit tombaient dans le vide, soit creusaient le fossé qui existait déjà dans le domaine dogmatique et théologique. En conséquence à ce climat de désunion et de divergences méthodologiques simultanées, les deux parties s’accusaient mutuellement d’être les « ennemis de Dieu », étant donné que les deux traditions ecclésiales étaient convaincues qu’elles servaient, dans la Trinité des personnes, l’unité d’un Dieu qui se dévoile et active le mystère du salut par l’intermédiaire du Fils en l’Esprit Saint. Les écrits faisant état d’oppositions qui, fondés principalement sur les observations de Photius le Grand, se déchaînèrent contre les déviations triadologiques latines, développèrent plutôt des raisonnements dialectiques et des arguments philosophiques qui confirmaient les principes fondamentaux de la foi et constituaient les fondements herméneutiques d’une approche des textes bibliques et patristiques.

Les dialogues qui se déroulèrent aux siècles suivants mirent à jour les critères contradictoires d’approche et d’analyse du passé. Aux cours des pourparlers du xiii e siècle, les légats de Rome, dans une première phase, surmontèrent le problème des coutumes liturgiques et refusèrent de discuter le Filioque, du fait que leur objectif était d’obtenir que l’Église d’Orient se soumît aux structures canoniques de l’Église d’Occident et à la primauté du pouvoir du pape de Rome. Au contraire, les représentants de l’Église d’Orient focalisaient leur polémique, d’une part, sur l’ajout au Symbole de la foi, et, d’autre part, sur le caractère judaïque et la perspective apollinarienne de l’usage de pain azyme pour la Sainte Eucharistie. Ils n’acceptaient pas non plus le principe préalable que les Occidentaux posaient à chaque dialogue, à savoir la primauté de l’évêque de Rome. Ils consolidèrent leur ligne de défense par des arguments empruntés aux ouvrages de Photius, ainsi qu’aux écrits marquant les oppositions de Nikitas Stéthatos, Nikolaos de Méthone et Eustratios de Nicée (concile de Nymphée, 1234).

La conjonction de tous ces facteurs historiques, conciliaires, ecclésiologiques et canoniques, ainsi que l’intérêt accru pour l’usage de la méthodologie philosophique et dialectique dans l’approche herméneutique des textes, conduisirent les écrivains historiens et canonistes du xii e siècle à redéfinir la base commune des dialogues, au moment où les conjonctures historiques et l’expansion du monde islamique rendirent sensibles, d’une manière ou d’une autre, le besoin impératif de l’unité du monde chrétien. En ce point, il est pertinent de rappeler la tendance qui se développa et s’exprima déjà dans la littérature théologique du xiv e siècle quant au choix de l’asservissement aux Ottomans plutôt que de la soumission au pouvoir spirituel du pape de Rome.

La raison première de l’émergence et du développement de cette tendance est le déclin politique de plus en plus évident de l’Empire byzantin. Ses partisans, érudits, évêques et théologiens, jugeaient impératif le besoin de résoudre les problèmes théologiques avec le monde occidental, qui envisageait de prêter son concours politique et militaire contre les Ottomans qui avançaient et menaçaient l’existence politique de l’Empire romain d’Orient.

Pour ce qui est de la substance des dialogues théologiques, il est révélateur que, depuis les débuts du xi e siècle jusqu’à la libération de Constantinople des croisés en 1261, les légats latins aient modéré leurs discours contre les Grecs dans la question de la Sainte Eucharistie. Ils cherchaient à uniformiser les deux traditions liturgiques et insistèrent sur l’ajout du Filioque et la primauté de l’autorité de l’évêque de Rome sur toute l’Église. Parallèlement, les Grecs les plus modérés ( Nikitas de Maronia, Nicéphore Blemmydès) admettaient ce modèle de nivellement et d’ égalisme, à savoir l’harmonisation sur un niveau égal des deux traditions, quand ils cherchaient à comprendre le Filioque et l’approche herméneutique du dogme trinitaire à travers la formulation linguistique « par le Fils ». Ils insistèrent sur la nécessité de préserver l’intégrité du Symbole (bien qu’ils aient théologiquement justifié le Filioque, ils n’acceptaient pas l’ajout au Symbole de la foi), considérant tous les autres différends comme secondaires et périphériques.

Au contraire, après 1261 et, plus particulièrement à partir du concile de Lyon (1274) jusqu’au concile de Ferrare-Florence (1438-39), l’argumentation de Rome, telle qu’elle est rapportée et analysée dans la correspondance et les directives de ses représentants et les envoyés en Orient, montre que l’Église occidentale acceptait très difficilement la validité d’une approche différente de la Sainte Eucharistie et du dogme de la Sainte Trinité. Cette validité aurait pris sa source dans l’interprétation d’enseignements dogmatiques inconnus dans la « tradition apostolique ».

Le tournant dans l’approche herméneutique est dû davantage à des facteurs psychologiques, résultant de l’échec de l’union des deux Églises qui ne put se réaliser en raison du refus de l’Église d’Orient de se placer sous l’autorité ecclésiastique latine sous forme d’une primauté ecclésiastique excessive. Cela constituait une solution dont le pape Innocent III et ses successeurs étaient les ardents partisans. Cette évolution compliqua la situation et aggrava les sentiments antilatins des Orientaux, qui se mirent à rechercher des différends et « innovations » supplémentaires, alimentant les clichés idéologiques des Grecs (Orientaux).

Dans un bon nombre de cas, la rivalité, la mésentente et le manque de confiance qui se manifestent vers la fin du xiii e siècle et marquent les xiv e et xv e siècles, provenaient d’un conflit autour de l’organisation apostolique de l’Église et l’hégémonie incontestable de l’évêque de Rome au sein de l’Église. Face à cette exigence, les patriarches de Constantinople, Germain II (1222-1240), Joseph I er (1266-1275, 1282-1283), les hésychastes du xiv e siècle, Grégoire Palamas, Philothée Kokkinos et leurs successeurs du xv e siècle, Joseph Bryennios, Marc d’Éphèse et Gennade Scholarios, affirmaient que l’unité du corps du Christ dans le mystère de la Sainte Eucharistie s’accomplissait avant tout par la profession de la vraie foi en l’Esprit Saint. La conviction que la Sainte Eucharistie crée un lien interne profond entre les membres de l’Église et le Christ et, par son intermédiaire, entre tous les membres, entrait de toute évidence en contradiction avec l’organisation ( nomo)canonique de l’Église, préconisée par Rome et dont le centre visible et incontestable était le vicaire de Pierre (vicaire du Christ à partir du v e siècle), chargé de préserver la foi et exprimer l’union du corps du Christ sur le parcours historique de l’Église vers les jours derniers (Eschata).

Au niveau historique, à chaque fois que les préjugés idéologiques (culturalistes) pouvaient être dépassés, les solutions semblaient à portée de main. Les obstacles étaient surmontés dans un esprit tourné vers l’union et une perspective commune, dans lequel l’« exercice de l’économie » était parallèle à la « Sainte Économie et le consentement ». Au contraire, quand on privilégiait des perspectives unilatérales et se mettait au service des institutions et structures de pouvoir, les relations évoluaient en une hostilité dont l’élément dominant était la haine phylétique, politico-culturelle et religieuse.

De plus, l’un des principaux écueils aux dialogues était que l’Église d’Orient voyait l’Occident avec les critères ecclésiologiques du i er millénaire, dont l’Orient était dans une large mesure l’initiateur et l’interprète. Les nouvelles données de la vie spirituelle du monde occidental lui étaient totalement inconnues. L’Église d’Orient ignorait aussi bien leur impact sur la vie ecclésiastique et la théologie que les conditions ayant présidé à leur formation. Les xii e et xiii e siècles donnèrent à l’Orient et à l’Occident l’occasion de se rencontrer et de se connaître, connaissance qu’ils approfondirent aux xiv e et xv e siècles. Les différents modes d’approche des dogmes fondamentaux de la foi surprirent certes, mais suscitèrent également de l’admiration de part et d’autre.

À travers l’échec des dialogues que la conjoncture politique augurait, transparaissait l’approche ecclésiastique de ces thèmes, incarnée, au xiii e siècle, par le patriarche Joseph I er, selon laquelle les différends séparant les deux Églises ne devaient pas être nivelés, mais pas non plus surestimés. Le but de tout effort était d’expliciter l’origine des causes des différences et leurs significations au sein de chaque Église, et de déterminer des perspectives complètes et sincères.

L’examen des textes historiques et canoniques, et des dialogues confirme l’existence de tendances indicatives des intentions des Latins (romano-catholiques) et des Grecs (orthodoxes). Dans les dialogues officiels, les deux parties considéraient que l’une comme l’autre appartenaient à l’Église Une, quand bien même la situation politique ambiante était néfaste pour toutes deux. Parmi les questions qui provoquent des frictions dans leurs relations, menacent la communion entre elles et conduisent à la rupture, les unes sont d’importance primaire, les autres secondaire. Du côté latin, le principal problème est le refus d’abandonner la primauté de l’évêque de Rome, alors que, du côté grec c’est l’ajout du Filioque au Symbole de la foi (cf. concile de Ferrare-Florence, 1438-39). Les intentions, qui sous-tendaient la volonté de surmonter les litiges, étaient différentes de part et d’autre. Ces intentions avaient davantage à voir avec les priorités institutionnelles et politiques qu’avec les conditions théologiques et canoniques qui, cependant, sont présentes et signalées dans les textes des pères et des théologiens de l’époque étudiée.

Enfin, les textes canoniques de cette époque focalisent leur intérêt sur la question suivante : dans quel sens la primauté est-elle comprise ? Dans le sens de la présidence synodale ou dans un sens de la suprématie universelle (primauté culturaliste) ? Ces deux réalités ecclésio-canoniques traversent les deux millénaires de façon certes différente mais aussi diachronique. Durant le i er millénaire, primauté métropolitaine, autocéphale, patriarcale ou pentarchique, signifie unanimement et surtout homocentriquement la présidence synodale, ce qui forme la proposition des orthodoxes, tandis que, durant le ii e millénaire, pour les catholiques romains, primauté signifie exclusivement la suprématie universelle, comme celle-ci a été formée notamment à partir de xii e siècle, et même au-delà (Vatican I-1870 etc.).

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